Table Of ContentIbn Battûta
Voyages
I. De l’Afrique du Nord
à La Mecque
Traduction de l’arabe de C. Defremery
et B.R. Sanguinetti (1858)
Introduction et notes de Stéphane Yérasimos
François Maspero, Paris 1982
Collection FM/La Découverte
Un document produit en version numérique par Jean-Marc Simonet, bénévole,
professeur retraité de l’enseignement de l’Université de Paris XI-Orsay
Courriel: [email protected]
Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"
Site web: http://classiques.uqac.ca/
Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque
Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi
Site web: http://bibliotheque.uqac.ca/
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I. De l’Afrique du Nord à La Mecque
Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marc Simonet, ancien pro-
fesseur des Universités, bénévole.
Courriel: [email protected]
À partir du livre de
Ibn Battûta
Voyages
I. De l’Afrique du Nord
à La Mecque
Traduction de l’arabe de C. Defremery et
B.R. Sanguinetti (1858)
Introduction et notes
de Stéphane Yerasimos
Cartes de Catherine Barthel
Collection FM/La Découverte
Librairie François Maspero, Paris, 1982,
480 pages.
Polices de caractères utilisées :
Pour le texte: Times New Roman, 14 et 12 points.
Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 10 points.
Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2004
pour Macintosh.
Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’)
Édition numérique réalisée le 12 février 2008 à Chicoutimi, Ville de Saguenay,
province de Québec, Canada.
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I. De l’Afrique du Nord à La Mecque
Table des matières
Volume I. — De l’Afrique du Nord à La Mecque
Introduction
I.
II.
L’Afrique du Nord ; — L’Égypte ; — La Syrie ; — Le Hedjaz ; — L’Irak et
la Perse.
Introduction de l’édition originale
1. L’Afrique du Nord
2. L’Égypte
3. La Syrie et la Palestine
4. Le pèlerinage de La Mecque
5. L’Irak et la Perse
Bibliographie
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I. De l’Afrique du Nord à La Mecque
Introduction
I.
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Éditer Ibn Battûta dans la collection « La Découverte », c’est ré-
pondre aux interrogations que finissait par provoquer la présentation
exclusive de textes de voyageurs occidentaux. Jusqu’à quel point pou-
vait-on, prétendre, malgré les précautions et les annotations, redresser
une vision extérieure et, par là, nécessairement déformée des choses ?
Un point de vue « interne » devenait donc indispensable, comme un
contrepoids, sinon comme une réhabilitation. Dans cette perspective,
le choix d’Ibn Battûta devait vite s’imposer.
En réalité, les choses n’étaient pas si simples et bien des surprises
nous attendaient : les problèmes commençaient dès la première lecture
du texte. La vision non occidentale ainsi recherchée impliquait
d’autres préoccupations, d’autres objectifs qui n’étaient pas, a priori,
perceptibles au lecteur moderne. Le récit du voyageur occidental pos-
sède un fond immédiatement accessible et le travail du commentateur
consiste à fournir quelques repères visant à faciliter une lecture criti-
que des choses vues et des sociétés décrites. Mais, à la limite, le lec-
teur pourrait se passer de la médiation du présentateur pour lire un
récit dont la structure et les préoccupations lui sont familières. Ce
n’est pas toujours le cas ici. Ibn Battûta, voyageur maghrébin du début
du XIVe siècle, parcourt la totalité des pays islamiques de son époque,
du Mali à Sumatra et du Kenya aux steppes russes, et il les décrit à
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ses compatriotes et coreligionnaires. Le lecteur occidental moderne
est donc a priori exclu, s’il n’arrive pas à déceler les motivations de
l’auteur, qui sont aussi celles de son époque, afin de pénétrer dans son
récit et, par là, dans son monde.
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I. De l’Afrique du Nord à La Mecque
Cela dit, Ibn Battûta est avant tout un voyageur, et cette caractéris-
tique transgresse son époque. Sa capacité de découverte, et de com-
munication, n’a rien à envier aux grands classiques du genre et, en
particulier, à son quasi contemporain Marco Polo. Mais il est le voya-
geur de l’islam, et ce titre n’est pas simplement honorifique, il est sa
raison d’être, celle qui a fait la fortune du personnage et de son récit.
Parce que ses trente années de pérégrinations à travers un monde
islamique morcelé, déchiré, convergent vers un but unique : elles sont
la preuve que la communauté islamique existe et qu’à travers sa prati-
que religieuse et sociale, à travers sa solidarité, et malgré ses divisions
apparentes, elle reste une et indivisible. Le « voyageur de l’islam » est
donc avant tout le témoin unique de l’unité de l’islam. Cette mission
essentielle marque directement son texte, qui doit être alors construit
selon des règles qui rendent plausibles et admissibles les preuves qu’il
entreprend de fournir. D’où l’énumération, à chaque endroit visité, des
hommes pieux qui y résident, des fondations religieuses, ainsi que des
saints qui s’y trouvent enterrés, marquant autant de lieux de pèleri-
nage.
Ces éléments constituent donc des aspects essentiels du texte.
Puisque notre propos est de donner une vision « interne » d’un autre
monde, il n’est pas question d’envisager des coupures motivées par
notre propre jugement en estimant tel ou tel passage « répétitif »,
« ennuyeux » ou « inintéressant ». Le point de départ que nous nous
étions donné aboutit donc à la nécessité d’un texte intégral — ce qui,
par ailleurs, rend justice à un grand classique —, appuyé par une pré-
sentation qui vise à le rendre accessible au lecteur non spécialiste.
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Le voyage d’Ibn Battûta est ainsi, avant tout, un « voyage à travers
l’islam », avec son unité, implicitement, mais pertinemment soutenue
tout au long du texte, et sa diversité qui apparaît également à travers
les réalités constatées : l’unité de sa pratique religieuse, qui est aussi
une pratique sociale, opposée aux schismes qui le déchirent ; la solida-
rité de la communauté islamique face au morcellement politique. Il
s’agit évidemment de l’islam du début du XIVe siècle, mais les racines
de ses structures comme de ses contradictions plongent jusqu’à ses
origines, et les références d’Ibn Battûta s’adressent à un public qui
connaît son histoire. D’où, avant toute chose, la nécessité d’esquisser
ce cadre politico-religieux — les deux éléments sont indissociables —
dans lequel le récit se meut.
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I. De l’Afrique du Nord à La Mecque
Là aussi, la difficulté est paralysante. Un tel raccourci ne sera-t-il
pas pour le moins déformant, voire à la limite faux ? Mais refuser de
s’y engager reviendrait soit à confiner Ibn Battûta à un public de spé-
cialistes, soit à obliger le lecteur profane à un travail de préparation.
Or notre objectif est de rendre ce texte lisible dans le cadre de cette
édition, tout en permettant, par une note bibliographique, un appro-
fondissement ultérieur. Dès lors, il faut bien se résoudre à aborder
cette présentation.
En 632, le prophète Muhammad meurt à Medina, fondateur d’une
religion et chef d’une communauté qui sera le noyau d’un empire. En
tant que prophète, Muhammad n’est pas considéré comme
l’intermédiaire, le médiateur, entre Dieu et les hommes, mais le
transmetteur, et par là l’interprète privilégié, du Coran, qui est la révé-
lation de la parole de Dieu, la seule médiation entre celui-ci et les
croyants. Mais, en tant que fondateur d’une communauté, Muhammad
est à l’origine d’une pratique sociale qui, puisant ses éléments aux
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coutumes antérieures de la société arabe et aux premières interpréta-
tions du livre sacré, vise à se codifier afin de constituer le cadre de
cette communauté. Ce code est la sunna, la « manière de se conduire »
des musulmans. Or, à la mort de Muhammad, non seulement aucune
codification n’existe, mais le Coran lui-même n’est pas encore « re-
cueilli » sous sa forme définitive. Il le sera à l’époque de son troisième
successeur, Othman (644-655), quand cette succession est déjà contes-
tée par une partie de la communauté. A cela s’ajoute une série
d’autres éléments : le premier est la crise provoquée dans la commu-
nauté mecquoise et médinoise par l’apparition de l’islamisme. La fuite
de Muhammad à Medina et la guerre qui s’ensuit entraînent une rup-
ture dans la hiérarchie tribale existante. Dans un premier temps, Mu-
hammad s’allie aux habitants de Medina qui lui fourniront le noyau de
« compagnons » contre son propre clan mecquois, les Quraishites ; par
la suite, ces derniers se soumettent bon gré mal gré au Prophète, tout
en visant la conquête du pouvoir après sa mort. Parallèlement, les au-
tres tribus arabes, et particulièrement celles de l’Arabie du Sud, sup-
portent toujours mal un islamisme qui implique la domination des
clans mecquois et médinois. Enfin, un siècle après la mort de Mu-
hammad, l’empire de la communauté s’étale de l’Espagne à l’Asie
centrale et se trouve par là obligé d’absorber une multitude de peu-
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I. De l’Afrique du Nord à La Mecque
ples, des cultures et des religions qui ne pourront qu’influer sur sa
propre évolution. Cette gestation d’une idée religieuse à travers les
vicissitudes temporelles, qui est d’ailleurs le sort commun de toute
religion, marquera évidemment l’évolution de l’islam.
La succession de Muhammad va déjà se poser comme un problème
à la fois politique et dogmatique. Le plus simple serait que la commu-
nauté élise un « guide » capable de mettre en œuvre l’élargissement de
l’islam par la conquête et la conversion et son enracinement par la
poursuite de l’œuvre de fixation de la coutume et de la pratique.
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Mais cette solution, qui est adoptée pour la nomination des premiers
califes, n’empêche pas, bien au contraire, la lutte entre les clans mec-
quois et la famille du Prophète représentée par son gendre Ali. Ce
conflit en introduit et en alimente un autre : le rôle du chef de la
communauté. Pour les uns, la révolution est terminée : Muhammad est
le sceau des prophètes, avec lui l’aventure religieuse de l’humanité
touche à sa fin, la parole de Dieu a enfin été révélée dans toute sa pu-
reté et dans sa totalité. Il s’agit de la suivre à travers le corpus
d’interprétations et d’exégèses qui ne manqueront pas de se former à
partir de l’expérience vécue de la communauté. Dans ce cas, le chef
de la communauté applique et coordonne ce qui existe. Pour les au-
tres, la parole de Dieu ne peut pas être immédiatement accessible aux
homme, le Coran possède un sens caché qui ne peut être révélé que
par un médiateur, un guide, un imam, choisi par Dieu et participant de
l’essence divine. Cet imam est donc plus qu’un simple successeur, un
« calife » du Prophète, il perpétue et régénère constamment le fonds
religieux. Ici la révolution est permanente.
Cette dernière conception est soutenue dans la lutte pour le pouvoir
par la famille du Prophète, le parti (shi’a) d’Ali, qui entend ainsi per-
pétuer une fonction religieuse avec un système dynastique. Mais,
quand Ali est enfin élu calife en 656, il n’est reconnu que par une par-
tie de la communauté, et la première guerre civile éclate. Cette guerre
au sein d’une communauté qui se croit porteuse de la vraie parole de
Dieu ne peut être considérée par ses membres que comme un acte sa-
crilège par excellence, entraînant la première crise de conscience dans
l’islam. Ainsi un groupe de croyants rejette avec violence les deux
parties pour se mettre en dehors du conflit et se proclame le seul sur le
bon chemin. Ce groupe, appelé kharidjite (plur. : al-khawaridj, les
sortants), constitue le premier schisme en islam. Ces exclus volontai-
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I. De l’Afrique du Nord à La Mecque
res pousseront l’excommunication de leurs adversaires jusqu’à les as-
similer à des infidèles polythéistes, c’est-à-dire inférieurs aux
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chrétiens et aux juifs, considérés comme des « gens du livre », en tant
qu’adeptes d’une religion révélée. Leur position sur le califat est à
l’opposé de celle des shi’ites. Le calife n’est pour eux que le dénomi-
nateur commun de la communauté à un moment donné. Même « un
esclave noir » peut devenir calife si la communauté le juge bon. Il doit
par contre être déposé et mis à mort s’il dévie de la ligne de celle-ci.
Sous l’influence des problèmes ethniques (non-Arabes contre Ara-
bes) et probablement sociaux, le kharidjisme va évoluer vers le terro-
risme. Une scission interne aboutit à des sectes extrémistes comme les
azrakites qui prônent le meurtre de tous les musulmans non kharidji-
tes, femmes et enfants compris. Cela a pour résultat une longue lutte
sanglante localisée au sud de l’Irak et de la Perse et qui se termine par
l’extermination des adeptes de la secte. Par contre, un groupe plus
modéré, les ibadites, ont pu se maintenir longtemps clandestinement à
Basra et se sont ensuite dispersés, d’une part vers l’Afrique du Nord
en profitant de la réaction berbère contre la conquête arabe, d’autre
part dans l’Oman où le mécontentement des tribus de l’Arabie du Sud
persistait. Les ibadites maghrébins vivent de nos jours dans des com-
munautés à Djerba en Tunisie et au Mzab dans le Sahara algérien. Ils
sont aussi fortement représentés en Oman où Ibn Battûta les rencontra
en 1331.
A côté de cette auto-exclusion violente, d’autres éléments prennent
une position plus nuancée. Ils sont obligés de reconnaître que, du
moment que deux parties s’affrontent, l’une des deux doit avoir tort,
mais ils se déclarent impuissants à se prononcer. Le doute engendre
donc l’abstention et la nécessité de reconnaître un état intermédiaire
entre la foi et l’erreur. Ces abstentionnistes sont appelés mu’tazila
(ceux qui sont séparés) et, plus qu’une secte, ils constituent une école
de pensée rationaliste et intellectualiste soutenant le libre arbitre et
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pour laquelle les actions humaines découlent de la libre volonté de
l’homme.
Cette période des premiers califes, fertile en germes de dissensions
futures, se termine avec l’assassinat d’Ali par un kharidjite et avec
l’avènement des clans mecquois à travers la famille Umayyade qui
conservera le califat pendant près d’un siècle et fixe sa capitale à Da-
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I. De l’Afrique du Nord à La Mecque
mas. Au cours de cette période, qui est aussi celle des conquêtes, les
luttes internes persistent et s’approfondissent. Le parti d’Ali, les
shi’ites, poursuit ses revendications, et les massacres des alides à Kar-
bala par les troupes du calife Umayyade Yazid en 680 ajoutent au
dogme shi’ite un nouvel élément : celui de la passion. Le martyre de
l’imam, qui cristallise déjà des attributs divins, la passion, devient un
moyen de rédemption comme dans le christianisme, et implique la
« parousie », le retour de l’imam à la fin des temps pour
l’inauguration d’une ère nouvelle. L’imam devient ainsi mahdi, le
messie.
Cette projection du salut et du « Royaume » à la fin des temps ne
se fait que progressivement, quand les tentatives temporelles sont
vouées à l’échec. Entre-temps, les descendants d’Ali mènent plusieurs
révoltes contre les Umayyades. Mais le renversement de ces derniers
est obtenu par un autre groupe qui constitue par ses origines un com-
promis entre les clans et la famille de Muhammad : les Abbassides,
descendants d’Abbas, oncle du Prophète. Ceux-ci réussissent à cristal-
liser l’opposition en coopérant avec les shi’ites ainsi qu’avec les peu-
ples non arabes mécontents de la domination arabe, notamment les
iraniens, et sont inspirés par la doctrine mu’tazilite qui constitue en
quelque sorte la plate-forme du mouvement abbasside.
La grande révolte de 749-750 renverse le régime Umayyade pour
le remplacer par celui des Abbassides. Ceux-ci, dès leur arrivée au
pouvoir, écarteront les shi’ites qui voient encore une fois
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s’écrouler leurs rêves de réunification de l’islam sous l’imamat d’un
descendant d’Ali. A partir de l’avènement des Abbassides, deux
orientations essentielles se mettent en place : la radicalisation et la sé-
paration du shi’isme, d’une part, la fixation progressive de l’islam
« orthodoxe », le sunnisme, d’autre part.
La désillusion abbasside mène les shi’ites à un premier éclatement.
Une des réactions est dogmatiquement modérée et politiquement
pragmatique : celle des zaydites (de Zayd, petit-fils de Husain, fils
d’Ali), qui limite le rôle religieux et temporel de l’imam au domaine
du présent et du politique. C’est la lutte politique et militaire dans ce
monde qui mène l’imam et sa communauté vers son but. Ce pragma-
tisme se concrétise par la formation d’un imamat zaydite au Yémen
qui durera jusqu’à notre siècle. Également les Alides, qui deviennent à
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I. De l’Afrique du Nord à La Mecque
partir du XIIIe siècle émirs de La Mecque et de Medina, montrent sou-
vent de la sympathie pour le zaydisme.
A l’opposé des zaydites se trouvent les ismaïlites qui développent
la logique de l’imam mahdi. Le concept de l’imam possédant une es-
sence divine et qui réapparaîtra à la fin des temps finit par concentrer
l’ensemble des attributs à une seule personne et par rendre superflue
la succession des imams jusqu’à l’avènement du Royaume. L’imam
temporel doit alors disparaître, se cacher, pour réapparaître quand le
temps s’accomplira. Le premier imam « caché » est Ismail, le fils du
sixième imam des shi’ites, reconnu comme septième par une partie
des fidèles. Il donne son nom aux ismaïlites, qui mettent en place des
structures révolutionnaires, insurrectionnelles, pour accomplir
l’avènement du Mahdi. Enfin, entre ces deux groupes un courant ma-
joritaire continue à s’attacher à la succession temporelle des imams en
espérant toujours arriver à un compromis avec le pouvoir abbasside.
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Ce dernier, dans l’euphorie de son avènement et de son apogée, at-
teinte au cours de son premier siècle, se permet d’être éclairé et tolé-
rant. Le mu’tazilisme devient presque sa doctrine officielle pendant
cette époque et le calife al-Mamun, fils et deuxième successeur de Ha-
run al-Rashid, envisage même de désigner pour lui succéder Ali al-
Ridha, le huitième imam des shi’ites. Mais, au fur et à mesure que le
pouvoir se prolonge, les structures se sclérosent et s’opère un retour à
une orthodoxie plus rigide face aux dissidents et plus souple vis-à-vis
du pouvoir. Les derniers imams sont assignés à résidence à Samarra et
il est temps pour le reste des shi’ites de reconnaître dans la personne
du douzième imam l’imam disparu et de remettre l’espoir de son re-
tour à la fin des temps.
Malgré ses ouvertures initiales, le califat abbasside induit le retour
à l’orthodoxie ou plutôt codifie cette « orthodoxie » après la paren-
thèse, l’avatar, Umayyade. La base du corpus qui s’édifie progressi-
vement repose bien évidemment sur le Coran, mais repose aussi sur la
pratique instaurée par Muhammad, par ses compagnons, par les « sui-
vants », c’est-à-dire la deuxième génération, et même par les « sui-
vants des suivants », la troisième génération. Cette pratique, qui est
celle de la communauté médinoise islamique mais aussi préislamique,
relève d’une tradition orale qu’il faut recueillir. Ce sont les hadiths,