Table Of ContentUNIVERSITÉ FRANÇOIS – RABELAISDE TOURS
ÉCOLE DOCTORALE « Sciences de l'Homme et de la Société »
Groupe d’Etudes et de Recherche sur la Coopération Internationale et
Européenne (GERCIE)
THÈSE
présentée par :
Almokhtar AL MDAGHO
soutenue le : 30 juin 2014
pour obtenir le grade de : Docteur de l’université François – Rabelais de Tours
Discipline/ Spécialité : Droit public
LA NOTION DE DOMMAGE CAUSE PAR
LE DUMPING SELON LES ACCORDS DE
L’OMC
THÈSE dirigée par :
M. ROSSETTO Jean Professeur à l’université François – Rabelais de Tours
RAPPORTEURS :
M. BISMUTH Régis Professeur à l’Université de Poitiers
M. HERVOUET François Professeur à l’Université de Poitiers
JURY :
M. BISMUTH Régis Professeur à l’Université de Poitiers
Mme HANNEQUART Isabelle Maître de conférences à l’Université François – Rabelais de Tours
M. HERVOUET François Professeur à l’Université de Poitiers
M. ROSSETTO Jean Professeur à l’université François – Rabelais de Tours
Dédicace
A mon pays, la Libye, qui espère la naissance prochaine d‘un Etat libre et uni,
A mon père, ma mère et toute ma famille qui m‘ont appris à aimer et respecter les autres
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Remerciements
Je tiens tout d‘abord à adresser de chaleureux remerciements à mon directeur de thèse,
Monsieur Jean Rossetto pour la confiance qu‘il m‘a accordée en acceptant d‘encadrer ma
recherche ainsi que pour sa disponibilité et ses précieux conseils qui m‘ont aidé tout au long
de ces quatre années.
Je remercie également Madame Isabelle Hannequart d‘avoir accepté d‘être membre du jury
ainsi que Messieurs M. Régis Bismuth et François Hervouët de m‘avoir fait l‘honneur d‘être
les rapporteurs de cette recherche.
Mes remerciements aussi à Madame Stéphanie François qui a accepté de m‘aider en
corrigeant les fautes de français de ma thèse.
Je souhaite également exprimer ma profonde reconnaissance à ma femme pour son soutien
fidèle et sa patience.
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Résumé
L’objet de cette recherche est d’examiner, selon les règles et la jurisprudence de l’OMC, la
définition et le contenu du dommage causé par le dumping à une branche de production de
l’industrie nationale. Cela nécessite, d’une part, d’établir les éléments qui entrent en ligne de
compte dans le calcul du dommage ainsi que dans la détermination de l’existence de ce
dommage, et d’autre part, d’identifier un lien de causalité entre le dommage subi et le
dumping. Une fois ces éléments établis, les Membres de l’OMC sont autorisés à recourir à des
mesures antidumping dont l’objectif est de neutraliser les effets dommageables du dumping et
de rétablir l’équilibre dans le marché local. Par conséquent, dans le souci d’éviter que des
mesures abusives soient mises en place, les mesures et leur modalité d’application sont
prescrites par les règles de l’OMC. Elles sont au nombre de trois, à savoir les droits
antidumping provisoires, les droits définitifs et l’engagement de prix.
Mots clés : dumping, dommage important, lien de causalité, détermination du dommage,
droits antidumping, branche de production nationale, autorité chargée de l’enquête, valeur
normale, droits antidumping , droits antidumping provisoires, engagements de prix.
Résumé en anglais
The purpose of this research is to examine, in accordance with WTO rules and case law, the
definition and the content of the injury caused to one part of the domestic industry by
dumping. This requires the need to establish the elements to be taken into account when
determining then calculating the injury, and to identify a causal link between the injury
suffered by the domestic industry and dumping. Once these elements have been established,
WTO members are allowed to use anti-dumping measures aimed at cancelling out the
damaging effects of dumping and restoring balance in the local market. Therefore, with the
view to avoiding abusive measures to be put in place, WTO rules prescribe three
measures which are provisional anti-dumping duties, definitive duties and price undertaking,
as well as their conditions for application.
Key words : dumping, material injury, causal link, injury determination, anti-dumping duties,
domestic industry, investigating authority, normal value, provisional anti-dumping duties,
price undertaking.
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Sigles et abréviations
ACG : frais d'administration, de commercialisation et de caractère général.
CJCE : Cour de justice des Communautés européennes.
CJUE : Cour de justice de l’Union européenne.
GATT : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce.
J.C.P : Revue Semaine juridique (Référence JCP : JurisClasseur Périodique)
CPJI : Court Permanente de Justice Internationale.
OMC : Organisation mondiale du commerce.
ORG : Organe de règlement de différends de l’OMC.
TPI : Tribunal de Première Instance, devenu Tribunal (T) depuis 2009.
USDOC : Département du Commerce Américain
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Sommaire
Introduction 7
Première partie L’identification du dommage causé par le dumping 20
CHAPITRE I Les conditions nécessaires à l’existence du dommage 21
Section I) Le dumping fait générateur du dommage 22
Section II) Le lien de causalité entre le dumping et le dommage subi 64
CHAPITRE II Les caractéristiques du dommage dans les droits antidumping 84
Section I) Les éléments nécessaires à la caractérisation du dommage causé par le dumping 86
Section II) Les particularités de la responsabilité née du dumping 111
Deuxième Partie La réparation du dommage causé par le dumping selon les droits de l’OMC 145
CHAPITRE I Les modalités de la réparation 146
Section I) L’ouverture des procédures de la réparation 147
Section II) Le déroulement des procédures conduisant à la réparation 179
CHAPITRE II La mise en œuvre des mesures antidumping 213
Section I) L’imposition des droits antidumping 214
Section II) La révision des mesures antidumping 252
Conclusion 282
Annexes 289
Bibliographie 322
Table des matières 335
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Introduction
En 1994, a été instituée l’Organisation mondiale du commerce (ci-après l’OMC).1
Cette organisation a remplacé les disciplines de l’ancien GATT2 et a mis en place un système
commercial international intégré plus viable et durable dont l’objectif était d’encourager le
libre-échange international et de garantir une concurrence ouverte et loyale.
A cette fin, ce système est constitué d’accords qui visent, sur une base de réciprocité et
d’avantages mutuels, à la réduction substantielle des tarifs douaniers et des autres obstacles au
commerce et à l’élimination des discriminations dans les relations commerciales
internationales.
Les principes fondamentaux sur lesquels ce dispositif commercial international est
fondé, sont, tout d’abord, le traitement général de la nation la plus favorisée3, puis le principe
du traitement national en matière d’impositions et de réglementations
1 L’Organisation mondiale du commerce (l’OMC) a été créée à la suite des négociations du Cycle d’Uruguay qui
se sont déroulées de 1986 à 1994. Ces négociations ont abouti à la signature d’un accord qui est entré en vigueur
le 1er janvier 1995.
2 Le GATT est l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, « en anglais : General Agreement on
Tariffs and Trade », signé à Genève le 30 octobre 1947. Les négociations visant à instituer une organisation
internationale du commerce en 1947 n’ont pas abouti. Bien que la Charte de la Havane constitutive de cette
organisation ait été signée, elle n’a pas pu entrer en vigueur car elle n’a été ratifiée que par un seul Etat
(Libéria).Les Etats-Unis ont refusé de ratifier car il leur semblait que le texte de la Charte ne garantissait pas
pleinement le plein échange. Dès lors, les négociateurs ont décidé d’appliquer provisoirement le chapitre IV de
la Charte.
3 Article I du GATT 1994. Traitement général de la nation la plus favorisée 1. « Tous avantages, faveurs,
privilèges ou immunités accordés par une partie contractante à un produit originaire ou à destination de tout
autre pays seront, immédiatement et sans condition, étendus à tout produit similaire originaire ou à destination
du territoire de toutes les autres parties contractantes. ».
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intérieures,4l’interdiction de restrictions quantitatives, et enfin la non-discrimination.5 Dès
lors, si les Membres de l’OMC doivent appliquer une politique commerciale ouverte et
libérale, ils peuvent également protéger leur production nationale contre la concurrence
étrangère, mais à condition que cette protection ne soit effectuée qu’au moyen de droits de
douanes et soit maintenue à un niveau modéré.
Ces principes sont confirmés par les accords de l’OMC,6 mais ces derniers autorisent
aussi des exceptions dans certaines circonstances, notamment pour les trois cas suivants :
premièrement, les mesures prises contre le dumping (article VI paragraphes 1 et 2 de l’accord
général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 -ci-après GATT 1994-),
deuxièmement, les mesures contre les subventions et les droits compensateurs spéciaux visant
à neutraliser les subventions (article VI paragraphe 3 du GATT 1994) et, troisièmement, les
mesures d’urgence limitant temporairement les importations en vue de sauvegarder les
branches de production nationale (article XIX du GATT 1994). Bien entendu, ces mesures
sont non tarifaires et le système créé par l’institution de l’OMC a pour objectif d’annuler les
entraves tarifaires disposées par les gouvernements des Etats membres. Par conséquent, « il
semble que les mesures tarifaires et non tarifaires fonctionnent comme des vases
communicants : la baisse des unes semble faire augmenter les autres. ».7
L’article VI du GATT 1994 permet aux pays membres de prendre des mesures contre
le dumping. Celles-ci sont des mesures commerciales correctrices autorisées par les règles de
l’OMC. L’Accord antidumping développe cet article, et précise les modalités pour sa mise en
œuvre, et les deux accords sont appliqués conjointement. Ils autorisent les Membres à agir
d’une façon qui serait, selon les règles générales de l’OMC, contraire aux principes
mentionnés ci-dessus, qui consistent en la consolidation des droits de douane et en la non-
discrimination entre les partenaires commerciaux. Une mesure antidumping consiste à
imposer un droit d’importation supplémentaire sur le produit dont il est allégué qu’il fait
l’objet d’un dumping afin de rapprocher son prix de la valeur normale8 et d’éliminer le
dommage causé à la branche de production nationale du pays importateur.
4 Article III du GATT 1994.
5 Article XIII du GATT 1994.
6 Les accords de l’OMC sont des textes juridiques contenant des règles régissant les activités dans le commerce
international relatives à : agriculture, textiles et vêtements, activités bancaires, télécommunications, marchés
publics, normes industrielles et sécurité des produits, hygiène alimentaire, propriété intellectuelle. De surcroît,
les accords concernent les mesures nationales qui sont autorisées contre les importations étrangères.
7 Nyahoho E., Lefebvre C. et Malbouires C. « Les mesures antidumping : un phénomène commercial largement
répandu », Études internationales, 2007, vol. 38, n° 3, 2007. p. 362.
8 Pour la définition de la valeur normale, voir page 30.
8
Les objectifs de l’Accord antidumping, tout d’abord, sont de défendre les producteurs
nationaux contre les pratiques de dumping et de rétablir ainsi une saine concurrence sur les
marchés des Etats membres de l’OMC. Ensuite, cet Accord est considéré comme un moyen
destiné à assurer plus largement la loyauté et l’équité des conditions du commerce
international dans l’optique d’un système commercial ouvert, ce qui exclut l’utilisation de
mesures unilatérales de restriction des importations.9
Au niveau national, de nombreux pays ont adopté des législations antidumping qui
permettent aux autorités nationales d’appliquer des mesures antidumping aux importations
faisant l’objet d’un dumping et qui, par conséquent, causent un dommage à la branche de
production nationale.10 Au début du XXe siècle, le Canada a adopté une première législation
antidumping en 1904 et par la suite des législations analogues ont été adoptées par plusieurs
pays.11 En fait, l’importance de la question du dumping et de l’antidumping a été soulevée
avec la révolution industrielle qui a contribué à accroître la production, renforçant ainsi la
concurrence entre les producteurs sur les marchés locaux et étrangers. Pour faire face à cette
concurrence forte, les producteurs avaient recours aux pratiques de dumping en baissant les
prix de leurs produits en dessous de leur valeur normale, et de leur côté, les gouvernements,
afin de contrecarrer ce comportement, recouraient à la politique antidumping. Les
gouvernements ont considéré que les mesures antidumping étaient un bon moyen d’obtenir
des effets très rapides, à la différence d’autres instruments de défense commerciale, tels que
les procédures antisubventions et de sauvegarde, et ils faisaient donc de plus en plus usage de
ces mesures qui sont devenues les mesures principales dans la politique de défense
commerciale.12
Cependant, au niveau international, il a fallu attendre longtemps avant qu’un accord
régissant l’utilisation des mesures contre les pratiques de dumping soit adopté. Cette adoption
s’est effectuée en 1994 après des négociations longues et difficiles. Ainsi, la tentative de mise
en place d’un dispositif concernant les mesures contre le dumping dans le cadre du GATT a
9 Incidences des mesures antidumping et des mesures compensatoires, Conférence des Nations Unies sur le
commerce et le développement, Conseil du commerce et du développement, TD/BCOM.1/EM.14/2, 24 octobre
2000. p.12
10 Rapport sur le commerce mondial 2009, II – C, économie discipline et pratiques, Organisation mondiale du
commerce, Genève, p.75
11 L’adoption des législations antidumping par les pays a commencé antérieurement, le Canada a d’ailleurs été le
premier pays à légiférer sur l’imposition des droits antidumping, sa législation datant de 1904. St Amant M. Le
régime canadien de protection contre le dumping et les subventions, thèse de doctorat en droit, Paris I, 1994, p.7.
12 Bok Chae H., le droit antidumping communautaire après l‘Uruguay Round, thèse de doctorat. Université de
droit, d’économie et des sciences d’Aix-Marseille, 1997, p. 6.
9
exigé que les parties contractantes participent à des cycles de négociations13 avant d’adopter
la procédure antidumping actuelle dans le cadre de l’OMC.
Pourtant, l’internationalisation de la question du dumping et de l’antidumping a
commencé plus tôt, au début du vingtième siècle, à l’époque de la Société des Nations. En
effet, dans les années vingt, la Société des Nations a organisé des travaux considérés comme
les premières tentatives d’harmonisation et de contrôle des pouvoirs de l’Etat dans ce
domaine. Les conclusions de ces travaux ont été publiées dans un rapport intitulé
« Memorandum on the Legislation of Different States for the Prevention of Dumping ».14
Mais la crise économique et la politique protectionniste mise en place par les pays
dans la période entre les deux guerres mondiales ont empêché de traduire ces travaux dans un
accord international.15 Après la seconde guerre mondiale, la question du dumping a été
incluse dans un accord international lorsque les rédacteurs de l’Accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce de 1947, (ci-après l’Accord du GATT 1947),16 ont consacré l’article
VI de cet accord à la question du dumping.17
Si l’Accord du GATT 1947 a été le premier accord incluant un texte juridique
international traitant de la question du dumping et essayant de définir celui-ci, son application
a rencontré des difficultés, d’une part, à cause de l’ambiguïté de son libellé et, d’autre part car
les dispositions de l’Article VI se trouvaient dans la partie II de l’Accord du GATT 1947,
tandis que seules les parties I et III constituaient des obligations. En conséquence, les Parties
contractantes conservaient leurs législations antidumping et n’appliquaient l’article VI que
dans le cas où il était compatible avec leurs législations nationales.18 Dès lors, cet article a été
une source de confusions multiples dans l’interprétation des concepts à l’échelle
internationale et a suscité de nouveaux problèmes.
Ainsi, l’article VI du GATT 1947 n’a pas atteint son objectif à cause de son manque
de clarté et de portée obligatoire, ce qui a poussé les Parties contractantes à inclure la question
de sa mise en œuvre dans les négociations du cycle de Kennedy (1964-1967). Ces
négociations sont apparues comme une première tentative dans le cadre du GATT de
constituer un code visant à appliquer l’article VI du GATT 1947.
13 Ces cycles sont : le cycle de Kennedy 1964–1967, le cycle de Tokyo 1973 – 1979 et le cycle de l’Uruguay
1986 – 1994.
14 Rapport sur le commerce mondial 2009, op., cit, p.81.
15 Boudant J., l‘anti-dumping communautaire, Economica, Paris, 1991, p.16.
16 L’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, en anglais : General Agreement on Tariffs and
Trade, signé à Genève le 30 octobre 1947 et entré en vigueur le 1e janvier 1948.
17 Boudant J.,l‘anti-dumping communautaire, op. cit, p.25.
18 St-Amant M., op. cit, p.44
10
Description:l'enquête vise la détermination de l'existence d'un dumping, le « produit http://grerca.univ-rennes1.fr/digitalAssets/267/267957_gdurand.pdf.