Table Of ContentL'ANNÉE DE SES DIX ANS
ANNE MATHER
C'était l'année de ses dix ans... une petite fête sur l'herbe avait été
organisée à l'occasion de son anniversaire, et Miranda j était tout
excitée.
Soudain, un véritable déluge s'abattit sur les gâteaux. Un gamin
farceur avait placé l'arroseur automatique en batterie...
Les rancunes d'enfant sont tenaces: Jacques Knevett... un nom à
jamais gravé dans sa mémoire. Miranda n'a pas pardonné.
A la veille de son mariage avec Lord Sanders, le voici qui réappa-
raît...
Cet ouvrage a été publié en langue anglaise
sous le titre
SCORPIONS'DANCE
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© 1978-Anne Mather
© 1979-Harlequin S.A. Traduction française
ISBN 2-86259-639-6 ISSN 0223-3797
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Miranda se souvenait nettement de sa première ren-
contre avec Jacques Knevett.
C'était à l'occasion de son dixième anniversaire. Lady
Sanders avait consenti à organiser une petite fête sur la
pelouse, hors de vue de la maison, bien sûr. Miranda était
très excitée. Jusqu'à cette fois là, ses anniversaires
n'avaient pas été différents des autres jours, mise à part la
séance de cinéma, le soir, lorsque sa mère avait terminé
son travail.
Elle savait que c'était exceptionnel. On ne devait ni voir
ni entendre les enfants de la gardienne. Cependant, Lady
Sanders avait été très bonne avec sa mère quand son mari
mourut brutalement, la laissant seule et sans ressources
avec une petite fille de trois ans.
Son père travaillait à la ferme et leur maison était un lo-
gement de fonction. Après sa mort, elle fut attribuée à son
remplaçant. La mère de Miranda était désespérée lorsque
Lady Sanders lui fit une proposition. La gardienne prenait
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sa retraite et elle pourrait la remplacer et venir avec sa fille
habiter le Manoir.
En accueillant Lucy Gresham et sa fille, Lady Sanders
s'assurait ainsi une aide précieuse pour de nombreuses
années. Plus tard, Miranda le comprit, mais à dix ans, elle
était encore assez naïve pour croire à sa bonté.
Lady Sanders était veuve. Son mari avait péri dans un
accident de la route lorsque Miranda avait un an. On avait
alors murmuré, au village, que c'était une chance que seule
sa voiture se soit écrasée contre un arbre. Lord Sanders
abusait de la boisson et c'était un peu un miracle qu'il soit
resté en vie aussi longtemps.
Après sa mort, Lady Sanders avait pris la direction du
domaine. Son assurance révélait son expérience ; elle avait
un fils, le nouveau Lord Sanders, et était décidée à ce que
son héritage ne souffre pas de la disparition de son père.
Miranda eut peu d'occasions de voir Mark Sanders pen-
dant sa scolarité. Quand il rentrait de pension pour les
vacances, sa mère le surveillait constamment. Madame
Gresham avait expliqué à Miranda que Lady Sanders ado-
rait son fils et que, privée par le sort de son mari, il ne lui
restait plus que Mark. Miranda avait de nombreux cama-
rades et elle s'était prise de pitié pour la vie solitaire du
jeune garçon quand elle le voyait, si pâle, jouer seul sur les
pelouses.
Une semaine avant le dixième anniversaire de Miranda,
Lady Sanders reçut à dîner. Pendant plus de deux se-
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maines, Mme Gresham s'était dépensée à préparer le Ma-
noir pour les invités. On avait fait un grand nettoyage et
Miranda avait été enrôlée pour aider les domestiques sup-
plémentaires. Le repas avait nécessité des heures de cui-
sine : melon et jambon fumé, scampis, canard rôti à
l'orange (c'était la spécialité de Mme Gresham) et pêches
au cognac. Les vins choisis avec soin, étaient chambrés à la
perfection. Le spectacle de la table dressée avait enchanté
Miranda, le cristal et l'argent flamboyaient à la lumière des
chandeliers.
La réception fut un succès et, pour remercier Mme Gres-
ham de son labeur, Lady Sanders lui avait suggéré une
petite fête pour les dix ans de sa fille.
Miranda avait été tellement enthousiaste à cette idée
qu'elle n'avait pas pensé un seul instant que sa mère se
serait volontiers passée de ce surcroît de travail en guise de
remerciement.
En dépit des nuages menaçants le matin, l'après-midi
était clair. Miranda avait aidé sa mère et le vieux Croxley,
le jardinier, à installer sur la pelouse, derrière la maison,
une table à tréteaux sur laquelle s'amoncelaient sand-
wiches et gâteaux, desserts et confitures, le tout couronné
par un énorme pot de jus d'orange. A ses yeux, c'était en
tout point aussi magnifique qu'au dîner de Lady Sanders.
Elle avait invité sept petites filles et la place d'honneur lui
était réservée, juste en face de la charlotte glacée sur la-
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quelle était écrit, en cursives de sucre blanc, « Joyeux
Anniversaire, Miranda ».
Les invités arrivèrent et Miranda ouvrit les cadeaux de
ses doigts tremblants. Il y avait des livres, des crayons de
couleurs et des mouchoirs. Sa meilleure amie, Judith Mas-
ters lui offrit un gracieux pendentif en perles que Miranda
s'empressa de passer autour de son cou. Elles jouèrent
d'abord ; les vainqueurs étaient récompensés par des pa-
quets de bonbons que Mme Gresham distribuait. Ce fut
bientôt l'heure du thé.
Miranda, très fière, présidait. Elle imitait Lady Sanders
qu'elle avait discrètement épiée lors de déjeuners avec ses
amis du Rotary Club. C'était sa première réception et elle
tenait à ce que ce soit une réussite. Tout à coup, il se mit à
pleuvoir...
Des gouttes de plus en plus grosses tombèrent sur la tête
de Miranda et bientôt l'inscription sur le gâteau s'effaça.
Miranda dépitée, se leva. Sa mère était rentrée à la mai-
son, mais elle allait sûrement revenir à cause de la pluie.
Elle regardait du côté de la cuisine mais ne vit pas trace
d'elle ni de Croxley. Une des petites filles lui conseilla de
s'asseoir et de ne pas s'inquiéter, c'était juste une petite
averse. Levant les yeux vers le ciel, Miranda ne vit pas
l'ombre d'un nuage sur le fond bleu.
Soudain, un véritable déluge s'abattit sur la table et les
convives affolés s'agitèrent dans tous les sens, essayant
vainement de se protéger. Seule, Miranda ne gesticulait
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pas. Sa raison lui soufflait qu'il ne pouvait pas pleuvoir. Le
ciel était dégagé et les lauriers autour du jardin du Manoir
secs.
Cependant, là douche continuait lorsque son regard per-
çant remarqua la courbe des gouttes au-dessus de la haie.
Avec une exclamation de fureur, elle fonça vers les buis-
sons.
Immédiatement, elle entendit un rire étouffé et la pluie
s'arrêta aussi brutalement qu'elle avait commencé. Miran-
da, folle de rage, se força un passage vers la haie.
Elle découvrit de l'autre côté l'arroseur automatique dont
Croxley se servait pour les pelouses. Quelqu'un l'avait
placé en batterie. Elle entrevit une silhouette mince et
sombre qu'elle ne connaissait pas tourner le coin de la
maison.
Elle se lança à sa poursuite, puis s'arrêta, examinant
l'étendue du désastre. Sa robe fleurie était déchirée et
couverte de taches, ses cheveux auburn pendaient trempés
sur ses épaules et le pendentif en perles avait disparu dans
le feu de l'action.
Ses amies hurlaient et Mme Gresham, alertée par ce tin-
tamarre était accourue. Miranda franchit à nouveau la haie
et, misérable, elle supporta les regards de compassion de
ses compagnes.
— Miranda ! Que se passe-t-il ?
Le ton de sa mère n'était pas enclin à l’indulgence. Une
demi-douzaine de voix tentèrent de lui raconter leur ver-
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sion des faits, mais Mme Gresham attendit les explications
de sa fille. Miranda fut surprise de voir sa mère aussi fu-
rieuse qu'elle. Son visage rougit puis vira au blanc lors-
qu'elle fit volte-face et se dirigea en silence vers la maison.
Miranda, inquiète, la contempla qui s'éloignait. Ses
amies l'entourèrent. Elle se laissa aller à l'importance que
lui donnait l'incident et recueillit les témoignages de sym-
pathie et d'admiration pour la façon héroïque dont elle
s'était débarrassée de l'ennemi. Quand elle jeta un coup
d'œil à la table, sa gorge se serra à la vue du gâteau à moi-
tié fondu et des sandwiches transformés en éponge. La
gelée flottait, îles vertes et jaunes sur une mer transpa-
rente.
Peu après, sa mère revint. Elle était accompagnée de La-
dy Sanders et d'un garçon d'environ quinze ou seize ans. Il
était grand pour son âge et son teint mat ne cachait pas ses
traits anguleux. Il avait des cheveux épais et noirs. Miran-
da se demandait quelle pouvait bien être sa nationalité.
Elle n'eut aucune hésitation à le reconnaître, c'était bien
lui l'instigateur de cet orage artificiel.
Elle le dévisageait en colère et sa rage augmenta quand
elle distingua, derrière son expression grave et obéissante,
un air moqueur dans ses yeux aux cils foncés. Elle souhai-
tait qu'il soit étranger au Manoir et priait pour que Lady
Sanders le fasse arrêter par la police.
— Vous voyez, Madame, le repas est ruiné, se plaignait sa
mère.
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Lady Sanders inclina la tête et murmura quelques mots
d'excuse. Au milieu de ses amis, Miranda se sentit comme
un perroquet bariolé parmi les tourterelles, avec ses che-
veux décoiffés et son visage maculé de boue. Lady Sanders
l’aperçut, échangea un regard complice avec l'affreux gar-
çon à ses côtés et, horreur, éclata de rire. Le jeune homme
y fit écho et bientôt, toutes les amies ricanaient et gesticu-
laient. Seule Mme Gresham ne semblait pas trouver la
situation particulièrement drôle mais cela ne réconforta
pas beaucoup Miranda. Retenant un sanglot d'humiliation,
elle tourna les talons et s'enfuit à travers la pelouse jus-
qu'au sanctuaire de sa chambre, à l'intérieur de la maison.
Elle ne pardonnerait jamais, ni à ses amis, ni à Lady San-
ders, et surtout pas à cette terrible brute aux cheveux
d’encre qui avait gâché la seule fête de son existence.
Elle s'en remit, bien sûr. Elle pouvait même en rire main-
tenant, mais uniquement en l'absence de Lady Sanders. Ce
jour avait été un tournant dans sa vie : elle avait commen-
cé à prendre conscience des différences qui existaient
entre le monde de Lady Sanders et le sien.
Elle apprit que le garçon était un parent éloigné de feu
Lord Sanders. C'était le fils de son cousin, Patrick Knevett.
Ce dernier possédait des terres au Brésil et avait scandalisé
sa famille en épousant une Indienne de souche portugaise
parce qu'elle attendait un enfant de lui. Le garçon avait
d'abord été élevé en Amérique du Sud puis son père l'avait
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